Pénurie de matière première, une conséquence inattendue de la COVID 19

La pandémie de Covid-19 sévissant depuis le printemps 2020 en France et dans le monde entier a eu des conséquences multiples : des implications économiques et sanitaires auxquelles nous étions en droit de nous attendre, mais également certaines répercussions sur les moyen et long termes auxquelles personnes n’avait pensé. En l’occurrence, le cas particulier de l’aluminium fait figure d’exemple : matériau relativement délaissé durant le premier confinement à l’échelle mondiale, il a été pris d’assaut à la reprise des activités, à l’automne 2020, de quoi faire augmenter son cours de manière inattendue alors que les producteurs avaient régulé leur activité pendant la période creuse précédente. Focus sur la pénurie de matières premières relative au développement du virus Covid-19.

Sphère avec des ronds

Une situation déjà tendue en 2019 pour les matières premières

Depuis les débuts de l’industrialisation, et particulièrement depuis la main-mise de la Chine sur les productions technologiques, l’accès aux métaux est de plus en plus problématique. Les matières premières sont extrêmement exploitées, et selon les ingénieurs spécialisés, notre accès aux métaux divers pourrait s’avérer difficile d’ici les années 2050 en suivant le modèle d’exploitation actuel.

Effectivement, la production draine les canaux les plus accessibles des dites matières et il faudra prochainement accéder à des sources souterraines bien plus difficiles d’accès pour y puiser les ressources nécessaires. La difficulté est telle que l’on réfléchit déjà à la manière de prélever les précieux métaux sur les astéroïdes gravitant autour de Mars et de Jupiter, rien que ça!

On l’aura compris, bien avant la Covid19, la matière première était déjà un bien précieux et la continuité de ses ressources et de ses réserves consistait déjà en une problématique d’envergure.

Le cas de l’aluminium

L’aluminium est la matière première ayant connu la plus forte croissance avec une augmentation de 6,5% chaque année. L’extraction de bauxite, permettant de synthétiser l’aluminium, a doublé entre 2002 et 2014, soit en 12 ans seulement.

Matière première extrêmement précieuse et la plus utilisée au monde, l’aluminium pose également quelques problématiques économiques.

En effet, comme tous les produits suivant la fameuse et universelle loi de l’offre et de la demande, il est copieusement plébiscité par les constructeurs et assembleurs du monde entier. Les pays producteurs d’acier et d’aluminium (en l’occurrence la Chine) veillent à conserver et à développer leur clientèle grâce à une méthode ingénieuse mais non dénuée de conséquences économiques problématiques.

C’est comme cela que grâce à une baisse drastique des prix permettant de mettre hors-jeu ses concurrents européen et américain, la Chine parvient à conserver une compétitivité inégalée, mettant alors en défaut les autres producteurs, à tel point qu’un climat de tension géopolitique s’est instauré entre les intéressés.

Les divers impacts de la Covid-19 

La Covid-19 a eu pour effet premier de ralentir drastiquement l’activité industrielle lors du premier pic ayant touché le monde entier au printemps 2020 (un petit peu plus tôt en Chine). Le monde entier s’est alors mis « sur pause », alternant confinements et couvre-feu et en France notamment l’activité de construction a dû être suspendue, entraînant un amoncellement des carnets de commandes, lesquels à la reprise, ont bien dû être honorés. Cette reprise a permis une activité galvanisée (sans jeu de mot) et suramplifiée propice au rebond de l’économie du secteur…

C’était sans compter l’inévitable pénurie de réserves de matières premières que ce retour de l’activité a causé. Deux facteurs entrent alors en ligne de compte pour expliquer ce phénomène. D’abord, les producteurs, alertés par l’absence d’activité ont eux aussi minoré leur activité d’extraction et d’assainissement des matières premières durant quelques mois. Puis, au « retour à la normale » (du moins pour les industriels), la reprise d’activité a généré un Boom sans précédent dévalisant par-là toutes les réserves jusqu’alors disponibles. Par conséquent, les prix grimpent en flèche et les délais de livraison sont allongés.

Entre septembre et décembre 2020 par exemple, les augmentations vont de 10% à 40%, pour atteindre des sommes parfois pharamineuses qui mettent en difficulté les acheteurs du secteur. Aussi, les entreprises se retrouvent à cours de matières premières et ne peuvent poursuivre leur activité correctement.

« On a un tissu d’entreprises, de PME, globalement en assez bonne forme, pour certaines avec un beau carnet de commandes, (…) avec une trésorerie tout à fait saine, et qui vont être obligées de fermer parce qu’elles n’auront plus de quoi travailler » Philippe Contet, directeur général de la Fédération des industries mécaniques (FIM), le 23/02/21.

Ici l’aluminium n’est pas un cas isolé, bien au contraire, c’est à une pénurie d’envergure que les industriels font face, concernant l’ensemble des matières premières : le cuivre a ainsi gagné  entre 30% et 50% (selon sa finition), et le plastique, directement lié à la hausse du prix du pétrole est également pointé.

Outre les délais d’attente et les problématiques économiques liées aux entrepreneurs, c’est également une hausse des prix globale à laquelle il faut s’attendre par la suite, comme l’explique Sycabel, le syndicat des fabricants de câbles : «De telles hausses de prix des matières premières devront nécessairement être répercutées dans les prix des câbles »

Quelles conséquences découleront de cette pénurie de matériaux à court, moyen, et long termes ?

Finalement, c’est également une bonne nouvelle pour l’industrie de manière générale qui se voyait surtout confrontée à une véritable pénurie courant 2020. Les producteurs du monde entier, et la Chine notamment ont su relancer leur production de manière décuplée pour « rattraper le retard », et si les industriels sont venus à manquer de matériaux pendant quelques mois, le gouffre se referme petit à petit comblant le manque de matière première.

Inévitablement, la hausse des prix des matières premières implique la hausse des prix. Du moins dans un premier temps, puisque les plus optimistes y voient uniquement une problématique à durée limitée entièrement liée à la pénurie maintenant révolue «  Les prix des métaux devraient se calmer, de même que les prix agricoles, grâce à la hausse attendue des emblavements. »

D’autres y voient en revanche une main-mise gouvernementale justifiée par les circonstances exceptionnelles qu’ils craignent durable « Si l’on souhaite se faire peur, ce facteur 2 sur le prix du cuivre est à mettre en perspective avec la multiplication des cours du rhodium par 10 qui accélère la transition de la voiture thermique vers la voiture électrique. C’est pourquoi, si la dépendance vis-à-vis des métaux n’est pas mieux gérée avec des outils de souveraineté, il devient possible de craindre l’effet que pourraient provoquer les futurs prix de ces métaux sur les prix à la consommation. »

Pour l’instant, les solutions sont peu nombreuses, mis à part patienter pour le retour à la normale des quantités de réserves disponibles. Puis, patienter pour le retour à la normale des tarifs, mais sans garantie de baisse des prix, et sans délai déterminé. La question en suspens reste la suivante : les productions continueront-elles à imposer des tarifs tels que ceux qui étaient appliqués durant la pénurie sur les produits dont elles ont l’exclusivité ? Si tel est le cas, les gouvernements auront-ils leur mot à dire, et si oui dans quelle mesure ?

Toujours est-il que le scénario catastrophe touche à sa fin et que les industriels pourraient devoir retrouver leur activité rapidement. Mais à quel coût pour les clients ?

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